Pierre Ravenel (Karistem) : « La lutte contre le gaspillage alimentaire doit aussi passer par les restaurants d’entreprise »
Dans le cadre de la lutte contre le gaspillage alimentaire, le député Guillaume Garot vient de remettre un rapport parlementaire aux Premier ministre, ministre de l’Ecologie et ministre de l’Agriculture, dont les objectifs étaient d’identifier les freins qui persistent tout au long de la chaîne alimentaire et de proposer des adaptations du cadre législatif et réglementaire. Un rapport vis-à-vis duquel Pierre Ravenel, directeur et spécialiste des achats responsables au sein du cabinet de conseil Karistem, regrette qu’il aborde peu le thème de la restauration d’entreprise.
Paris, le 28 avril 2015. Que pensez-vous du rapport Garot et de ses propositions pour la lutte contre le gaspillage alimentaire ?
La lutte contre le gaspillage alimentaire est un vaste sujet. Le rapport du député Guillaume Garot, dont les convictions et la volonté d’agir doivent être saluées, a le mérite d’aborder de manière globale cette problématique et de faire de nombreuses propositions structurelles et étayées sur toute la chaîne alimentaire. Néanmoins, certains secteurs ne sont guère abordés comme la restauration d’entreprise. Autant la restauration collective publique fait l’objet d’une action volontariste de la part de nombreux acteurs, autant les donneurs d’ordres dans le secteur privé restent très attentistes sur cette thématique. Un constat d’autant plus regrettable que près de 25% des denrées alimentaires achetées sont en moyenne jetées. Cette forme d’inaction est d’autant plus inacceptable que beaucoup d’entreprises pourraient à la fois réduire leurs coûts et améliorer le niveau de service. Tout le monde en serait gagnant, que cela soit sur le terrain économique, environnemental ou citoyen.
Selon vous, quelles mesures pourraient être prises pour lutter contre le gaspillage alimentaire en matière de restauration d’entreprise ?
Des actions plus ou moins incitatives pourraient être envisagées, par l’exemple l’obligation pour les donneurs d’ordres – tous secteurs confondus – de publier le volume de déchets alimentaires de leurs restaurants collectifs (en grammes de déchets par convive pour que les données soient comparables). Or, aujourd’hui, seules les entreprises de l’agro-alimentaire feraient l’objet d’une obligation de reporting. Chaque organisation, dès lors qu’elle possède une fonction restauration d’ampleur (par exemple plus de 100.000 repas par an), devrait être concernée. Par ailleurs, je constate aujourd’hui que beaucoup de grandes entreprises ont déjà traité de nombreux sujets autour du développement durable sans jamais aborder le gaspillage alimentaire. Je pense qu’elles n’ont pas conscience de l’enjeu, ni du potentiel d’actions. Même si les entreprises de restauration collective peuvent être forces de propositions, je reste persuadé que la lutte contre le gaspillage alimentaire doit avant tout résulter d’une volonté forte des donneurs d’ordres de réduire leurs propres gabegies.
Concrètement, pouvez-vous nous donner quelques exemples de pratiques dans les restaurants collectifs qui permettent de réduire le gaspillage alimentaire ?
Certaines mesures peuvent être plus impactantes que d’autres, tout dépend encore une fois de la volonté et des objectifs du donneur d’ordres. Par exemple, il peut être demandé au restaurateur de limiter le nombre de plats en fin de service plutôt que de maintenir coûte que coûte plusieurs choix. D’autres mesures moins contraignantes sont envisageables, comme des promotions sur certains plats pour réguler les consommations, ou encore une tarification au poids pour les entrées plutôt qu’en libre-service. Autre exemple symbolique avec le pain, qui fait souvent l’objet d’un important gaspillage en restauration collective : proposer également des tranches de 15 grammes plutôt que des petits pains de 50 grammes uniquement. Au final, les facteurs-clés de succès d’un projet de lutte contre le gaspillage alimentaire ne résident pas dans la sophistication des actions qui seront mises en place, mais plutôt dans la mise en oeuvre d’un projet structuré et fédérateur, étape par étape : un diagnostic initial fiable, une sélection d’actions pertinentes en fonction du fonctionnement du restaurant, une animation participative du projet et enfin une évaluation des résultats pour renforcer l’action.
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Pierre Ravenel débute sa carrière au sein de l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (Ademe) avant de rejoindre le Ministère de l’Ecologie et du Développement Durable. Ces premières expériences lui permettent de devenir rapidement une référence dans l’univers de la formation et du conseil en développement durable. Son arrivée au sein du cabinet Factea, dont il sera l’un des premiers managers, lui permet d’acquérir une compétence unique sur le marché du conseil en achats responsables et de créer à son tour le cabinet Factea Durable en 2009. Intervenant à la fois dans le secteur public et le secteur privé, Pierre Ravenel est aujourd’hui l’un des directeurs du pôle achats du cabinet Karistem Corporate Consulting.
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Karistem Corporate Consulting en quelques mots
Karistem Corporate Consulting (KCC) est un cabinet de conseil en stratégie, transformation et excellence opérationnelle. Depuis 2004, KCC élabore et met en oeuvre les grands projets de transformation portés par les Directions Générales visant à améliorer la compétitivité du coeur de métier et / ou à aligner les fonctions support sur la stratégie de l’entreprise. La méthode KCC est orientée résultats et met l’humain au coeur de chaque transformation. KCC s’engage d’une part sur l’implication et l’appropriation du changement par le plus grand nombre et, d’autre part, sur des résultats rapides, majeurs et durables.
www.karistem-consulting.com