La téléphonie sur IP est-elle destructrice de valeur ?
Baisse des prix des communications et des matériels, diminution des abonnements aux lignes téléphoniques, disparition de certains métiers…La téléphonie sur IP est-elle en train de détruire de la valeur dans l’industrie des télécoms ?
La question semble légitime dans une société où la notion de prix est souvent associée à la notion de qualité et donc de valeur. Qu’en est-il réellement ?
L’ère de la voix sur IP a bouleversé notre manière de concevoir et consommer la téléphonie, mais elle a surtout impacté l’industrie des télécommunications dans son ensemble. On ne se bat plus sur le prix de la minute de communication mais sur les services ! Les différences d’approche entre opérateurs historiques et alternatifs en sont un exemple. Si ce constat est évident sur le marché des particuliers, il est encore plus valable pour le marché des entreprises.
Au centre des préoccupations stratégiques des entreprises, les communications téléphoniques et les connexions réseaux sont entrées dans une profonde mutation où les notions de qualité et de services ont connu un formidable essor en quelques années. En effet, plus qu’un simple service de téléphonie, les entreprises, et ce quelque soit leur taille, demandent des infrastructures télécoms ouvertes alliant téléphonie IP et services à forte valeur ajoutée. Notre analyse montre que les entreprises ont un besoin accru pour des services de plus en plus personnalisés et haut de gamme : standard virtuel unifié, communication convergente, sécurité, assistance, audio conférences, mutualisation… Au final, la facture ne baisse pas tant que cela pour les clients après le passage en téléphonie sur IP et dans certains cas, elle augmente ! La valeur n’est donc pas détruite mais déplacée vers de nouveaux acteurs capables de répondre aux demandes du marché.
Prenons l’exemple des partenaires gravitant autour des opérateurs. En effet, les sociétés de service informatique spécialisées dans les réseaux sont devenues les nouveaux installateurs techniques. Elles viennent remplacer les téléphonistes traditionnels n’ayant pas opté pour le virage des réseaux informatiques… La téléphonie est en effet devenue une composante à part entière du système d’information des entreprises, dont le principal enjeu est justement son intégration aux infrastructures réseaux et services (accès Internet, réseau privé…).
Des nouveaux acteurs émergent, comme les opérateurs 100% IP. D’autres viennent d’industries diverses : opérateurs réseaux qui se lancent sur la voix, installateurs privés qui se transforment en sociétés de service informatique ; on peut même citer les opérateurs mobiles qui testent la convergence, avec la crainte de perdre une partie de leur chiffre d’affaires à cause de la voix sur wifi. La mutation de ces organisations se retrouve dans les ressources humaines : les sociétés de téléphonie recrutent des profils dans l’informatique, et réciproquement.
Il est trop facile de réduire la téléphonie sur IP à une technologie « low cost ». Le déplacement de la valeur qu’elle induit permet une refonte totale de la chaîne de la valeur du marché des télécoms et fait émerger de nouveaux équilibres. Elle impacte par exemple les rapports de force entre les acteurs traditionnels et émergents ce qui a pour conséquence première de réveiller l’innovation. De plus, elle permet à toutes les entreprises de disposer de services et de fonctionnalités traditionnellement réservées aux grandes entreprises avec en plus une souplesse d’évolution sans comparaison. Est-ce tout ? Non, sans doute, car nous estimons que le « big bang » des services qui était promis n’a pas encore eu lieu. Visiophonie, visioconférence, couplage avec le système de gestion de la relation client, messagerie unifiée, reconnaissance vocale … les PME ne sont pas équipées, les technologies sont prêtes. C’est demain que nous allons vivre ce big bang !
Nicolas Aubé, président de CELESTE