La politique de credit et prevention du risque
Vendre c’est bien, être payé c’est mieux (partie 1/4)
La politique de crédit et de prévention du risque.
La prévention du risque d’impayé impose un véritable travail d’investigation au credit manager
L’entreprise, fournisseur de crédit, doit faire face à un risque important puisqu’elle est exposée à un risque de rupture de trésorerie par défaut de paiement de ses clients.
Le crédit interentreprise, ou crédit gratuit, est constitué de l’ensemble des créances que les entreprises détiennent les unes sur les autres dans leurs échanges commerciaux.
Plus les durées de crédits consentis sont importantes et plus le poids du crédit interentreprises devient lourd à supporter pour les entreprises créancières. Le poste clients représente en moyenne un tiers de l’actif du bilan d’où l’intérêt de sécuriser ce poste à tout prix.
Ainsi, subir un impayé, un dépôt de bilan, de la part d’un client représente pour l’entreprise un manque à gagner considérable, pouvant l’amener elle-même à la faillite (plus d’une entreprise sur 5 qui dépose son bilan le fait en raison de la défaillance de l’un de ses clients).
Les responsables d’entreprise ont fort heureusement commencé à en prendre conscience et la gestion du poste client, tant pour l’optimisation de ses flux que pour la prévention et la couverture du risque est devenue une fonction à part entière. C’est dans le cadre de cette évolution que s’est inscrit l’émergence des services dédiés à la gestion du poste clients et principalement des Credit managers, dont le rôle est de limiter le coût du crédit client, d’une part, en agissant en faveur d’une réduction des délais et retards de paiement et, d’autre part, en prévenant et en se couvrant du risque client.
Le Credit Manager, de formation plutôt généraliste en gestion, charnière entre le service commercial et la comptabilité clients, sera le coordinateur dans l’entreprise de la politique de crédit et de prévention du risque d’impayé.
C’est en permanence confronté à l’arbitrage entre les impératifs strictement commerciaux (comme l’augmentation du chiffre d’affaires) et les exigences financières (limitation du coût et donc du risque du crédit), que le responsable de la gestion relation financière client organise la politique de prévention de l’impayé de l’entreprise.
Cette politique de prévention passe par l’instauration d’un esprit préventif dans l’entreprise, l’appréciation et l’évaluation du risque client et la mise en place des protections des créances.
A. L’information interne
Esprit préventif et informations provenant du personnel
La gestion du crédit client doit être une culture d’entreprise. A ce titre la prévention du risque de l’impayé concerne tous les services de l’entreprise : service crédit distinct ou non, la sensibilisation à la gestion du crédit client et en particulier au risque client se doit de gagner tout un chacun dans l’entreprise, de la force de vente plus directement concernée aux autres membres du personnel.
Les commerciaux, dont la mission première est de vendre et fidéliser les clients, sont le plus souvent peu enclins à emboiter le pas au Credit Manager ou à la personne déléguée à la gestion du risque. En effet les actions de développement des ventes et de l’accroissement des parts de marché semblent opposées à celle de la gestion du risque client qui représente souvent un frein.
En conséquence le Credit Manager ressemblant à un “empêcheur de tourner en rond” il devient nécessaire de sensibiliser les commerciaux au risque client et à ses conséquences car comme l’indique le vieil adage : ” Vendre c’est bien, être payé c’est mieux “.
Cette sensibilisation doit :
– souligner les conséquences financières et commerciales de l’impayé
– encadrer les processus de vente de la commande à la livraison
– former la force de vente sur les aspects juridiques et administratifs de la politique de prévention.
Les autres services de l’entreprise (livraison, maintenance, comptabilité, service après-vente, etc…) doivent également être sensibilisés à cette politique. Leur contact direct avec les clients à l’instar des forces de vente doit entraîner leur participation active à la remontée d’informations.
Des observations ou des renseignements peuvent être révélateurs de la “santé” du client :
– ambiance, accueil
– train de vie de l’entreprise et du dirigeant
– organisation
– communication tant interne qu’externe
– âge du dirigeant
– ordre et propreté dans l’entreprise
– perte de marché
– état des stocks
– environnement économique
– santé de la branche ou du secteur
– intensité de la concurrence
– licenciements, grèves, procès
– etc…
Ainsi l’entreprise créancière aura la possibilité de construire les bases solides d’une politique de gestion du risque client à moindre prix tout en impliquant l’ensemble du personnel ou de compléter des informations obtenues par les autres sources ci-dessous.
Le fichier client
Ce type de fichier intégré à un outil de CRM et de gestion commerciale est source de multiples informations :
– commerciales (groupe d’appartenance, type de produits, marché, clients, etc…)
– juridiques (forme juridique, dirigeants, etc…)
– financières (ancienneté d’exploitation, capital, banques, CA, cash flow, etc…)
– crédit (mode de règlement, conditions de paiement, etc…)
La mise à jour permanente de ce fichier à l’occasion des contacts permanents avec les clients allié à un scoring interne permet la personnalisation des relances tant téléphoniques qu’écrites (voir notre article sur le CRM financier et la relance téléphonique).
Le fichier comptable
Ce fichier recèle des informations sensibles telles que les retards de paiement (souvent signes de difficultés financières), les litiges (voire les faux litiges à répétition), les reports et les non respect d’échéance, les impayés, les retards de retour d’effets, les récidives, etc…
Il permet de qualifier le profil payeur du client, de procéder à son classement, d’exercer une différenciation et ainsi d’optimiser la politique de gestion du risque client.
B. L’information externe
L’information légale
Elle représente l’ensemble des informations émises par les entreprises en application d’obligations résultant de textes législatifs ou réglementaires.
Nous décrirons ci-dessous les sources et les diffuseurs de l’information légale.
Les registres :
– Registre du commerce et des sociétés (RCS)
– Extrait “K bis” : extrait d’inscription au RCS
– Statuts
– Comptes annuels
– Bilans et comptes de résultat
– Registre des protêts
– Registre du privilège du Trésor
– Registre du privilège de la Sécurité Sociale
– Registre du crédit-bail mobilier (leasing)
– Registre des contrats de location ou des contrats de vente assortis d’une réserve de propriété
– Registre du privilège du vendeur de fonds de commerce
– Registre du privilège des nantissements :
– Nantissement conventionnel (gage pris par le créancier afin de préserver le
recouvrement de sa créance)
– Privilège de nantissement sur fonds de commerce
– Privilège de nantissement sur l’outillage et le matériel d’équipement
– Nantissement judiciaire (inscription de nantissement effectuée sur décision judiciaire)
– Services du cadastre et des hypothèques (conservation des hypothèques)
Les diffuseurs :
– Les greffes des tribunaux de commerce
Tenue de tous les registres ci-dessus hors informations détenues par la Conservation des hypothèques.
– L’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI)
Gestion du Registre National du Commerce et des Sociétés (RNCS)
– Le BODACC (Bulletin Officiel des Annonces Civiles et Commerciales), annexe au JO
– BODACC “A”, publication des avis :
– de ventes et cessions de fonds de commerce
– de création d’établissement
– de jugement d’ouverture de redressement judiciaire
– de jugement de plan de redressement
– de jugement de liquidation judiciaire
– de jugement prononçant la clôture de la procédure pour insuffisance d’actif
– BODACC “B”, publication des modifications diverses et radiations
– BODACC “C” publication des avis de dépôts des comptes des sociétés.
– Le BALO (Bulletin des Annonces Légales Obligatoires)
Bulletin réservé aux personnes morales qui font publiquement appel à l’épargne.
– Les banques de données
Accès par Minitel ou Internet et en libre accès ou abonnement (Infogreffe, Euridile).
Les sources officieuses
– Les fournisseurs
Les Credit Managers des entreprises peuvent s’échanger des informations sur les clients mauvais payeurs dans un but d’intérêt général. Difficultés de mise en oeuvre : règles de la concurrence entre entreprises fournisseurs.
– Les banquiers (sources très riches ayant accès aux informations Banque de France) :
– La Centrale des Risques (centralisation des crédits)
– La Centrale des incidents de paiement (état récapitulatif des non-paiements d’effets de
commerce)
– Le Fichier Central des chèques (centralisation des incidents de paiement de chèques et des
décisions de retrait de cartes bancaires)
– La Banque de données sur les entreprises
– La Centrale des bilans
– Les Huissiers de Justice
Des relations noués avec certains huiisiers de justice permet d’apprendre l’existence de procédures judiciaires ou de voies d’exécution en cours.
– La presse économique et financière
Elle fournit des résultats financiers et économiques sur les entreprises mais publie également des articles susceptibles de renseigner la concurrence et les fournisseurs.
– Les syndicats professionnels
Ils communiquent des informations dédiées à leur secteur d’activité, donnent une interprétation des bilans des entreprises adhérentes et un comparatif avec les concurrents du même “métier”.
– Les sociétés de renseignements commerciaux
Au même titre que les fournisseurs “officiels” d’information légale elles offrent des banques de données. Leur spécificité réside dans la livraison d’informations sur mesure : elles diligentent des enquêtes personnalisées et répondent aux questions précises commandées par l’entreprise sur leur client cible.
– La lecture et l’analyse des comptes du client
Notre énumération de ces sources d’informations et des procédés à mettre en oeuvre ne serait pas complète sans que nous citions le travail interne à l’entreprise “fournisseur” qui consiste en la lecture et l’analyse des comptes annuels de ses clients (bilan, compte de résultat, annexe), du rapport de gestion ainsi que, le cas échéant, des comptes consolidés, du rapport sur la gestion du groupe et des rapports des commissaires aux comptes sur les comptes annuels et les comptes consolidés, éventuellement complétés de leurs observations sur les modifications apportées par l’assemblée aux comptes annuels qui leur ont été soumis .
Afin de se faire l’idée la meilleure que possible sur l’évolution de l’entreprise étudiée il est conseillé de commander le bilan des 3 années précédentes afin de pouvoir les comparer.
Quelques indicateurs à contrôler :
– Chute de chiffre d’affaires
– Gonflement des provisions
– Pertes nettes à répétition
– Insuffisance du cash flow par rapport aux investissements
– Insuffisance du fonds de roulement et de la trésorerie
– Diminution de la rotation des stocks
– Augmentation du crédit clients
– Augmentation du crédit fournisseurs
– Distribution généreuse de dividendes, etc…
Ce travail permet de porter un premier jugement sur la santé économique et financière du client et de “croiser” les résultats avec ceux obtenus tant en interne qu’en externe.
Laurent Leloup
25/01/2005
source :
http://www.wmaker.net/bgd2i