Premier Forum mondial sur la gouvernance de l’Internet
Du 30 octobre au 2 novembre 2006 dernier s’est tenu en Grèce, à Vouliagmeni près d’Athènes, le premier forum mondial sur la gouvernance de l’Internet (FGI).
Le sujet de ce rassemblement organisé avec le concours de l’ONU : la meilleure manière d’exploiter le potentiel d’Internet.
A l’origine de celui-ci : le problème de sa gouvernance, issu de son organisation technique.
Pour schématiser son fonctionnement, et comprendre le mécanisme lié à sa gouvernance, un petit résumé s’impose.
Internet est composé de plusieurs réseaux répartis dans le monde entier.
Chaque réseau est rattaché à une entité propre (Université, armée…) et se voit attribué un identifiant unique appelé Autonomous System* (AS).
Afin de pouvoir communiquer entre eux, les réseaux s’échangent des données par liaison directe, ou en se rattachant à un noeud d’échange (point de peering).
Chaque réseau est donc connecté à plusieurs autres réseaux.
Quand une communication s’établit entre deux ordinateurs appartenant à des AS différents, il faut alors déterminer le chemin à effectuer parmi les réseaux. Aucun élément d’Internet ne connaît le réseau dans son ensemble, les données sont simplement redirigées vers un autre noeud selon des règles de routage.
La fonction de routage consiste à traiter les adresses IP (IP : Internet Protocol) en fonction de leur adresse réseau informatique utilisant le protocole Internet.
Ce concept d’adresse IP existe sous deux formalismes différents: la version 4 et son évolution, la version 6.
Le numéro est généralement noté avec quatre (ou six nombres) compris entre 0 et 255, séparés par des points : 216.15.189.195.
Et c’est ici que l’on approche le problème de la gouvernance…
En effet jusque là, on peut considérer que le langage informatique est international.
Sauf que pour mémoriser plus facilement les adresses IP, on les a converties en nom de domaine, ce dernier étant plus lisible et facile à mémoriser pour les humains.
Deux serveurs de DNS (Domain name system) au minimum interviennent pour garantir le processus inverse (Reverse lookup) afin de convertir un nom de domaine en son adresse IP et vice versa.
Ainsi, domaine.info est le nom de domaine correspondant à l’adresse IP 216.15.189.195.
On procède donc par le DNS sur les réseaux IP, pour rediriger cette adresse alphanumérique vers le serveur, machine contenant les pages Web ou e-mails.
Donc, quand un Internaute se rend sur un site, comme www.domaine.info, son ordinateur transmet une requête à un serveur DNS, posant la question :
-«Quelle est l’adresse IP de www.domaine.info? » .
Le serveur DNS répond en renvoyant l’adresse IP du serveur, qui est ici : 216.15.189.195.
Bien qu’il soit ouvert à tous les idiomes avec des sites en chinois, russe ou en hébreu, force est de constater qu’au niveau du contenu de l’Internet, des URLs et des logiciels serveur, l’alphabet latin prédomine, laissant en marge la grande majorité des autres langues parlées dans le monde.
D’un autre point de vue, on peut concéder à ce modèle un avantage de taille : la conservation de l’unité de l’Internet.
C’est autour de ce débat que ce Forum est créé..
Il est né durant la deuxième phase du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) convoqué à l’initiative des Nations Unies, qui s’est déroulé du 16 au 18 novembre 2005 – il y a presque un an, jour pour jour à Tunis.
Ce forum a pour but de maintenir et d’élargir la neutralité du réseau, d’engager les diverses parties dans un dialogue sur le sujet de la gouvernance et de trouver des terrains d’entente sur le sujet.
En effet, lorsque l’on parle de Gouvernance, il faut avoir à l’esprit que de nombreux organismes sont en charge de la gestion de l’Internet, avec, pour chacun d’entre eux, des attributions spécifiques.
Certains oeuvrent à la mise en place de standards techniques, d’autres à l’attribution des noms de domaine, des adresses IP, etc.
Parmi les plus influents, nous pouvons citer :
– l’ICANN : (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) qui opère sous la tutelle du ministère du Commerce américain.
Son rôle est « de coordonner la gestion des éléments techniques du DNS pour assurer la “résolution universelle” (“universal resolvability”), de sorte que tous les internautes puissent trouver toutes les adresses valables. » depuis n’importe quel point d’entrée sur le réseau.
– l’IETF : (The Internet Engineering Task Force) est un groupe informel, international, ouvert à tout individu, qui participe à l’élaboration de standards pour Internet.
C’est l’IETF qui produit la plupart des nouveaux standards d’Internet.
– l’ISOC :(Internet Society) est une association de droit américain à vocation internationale créée en janvier 1992 par les pionniers de l’Internet pour promouvoir et coordonner le développement des réseaux informatiques dans le monde.
Elle est l’autorité morale et technique la plus influente dans l’univers du réseau Internet.
Cette genèse restituée, voilà les tenants et les aboutissants du Premier Forum mondial sur la gouvernance de l’Internet.
Durant ces quatre jours de forum, les représentants de 90 Etats, de nombreux acteurs du monde de l’informatique et des réseaux, comme Google et Yahoo!, des organisations de défense des libertés, comme Amnesty International, soit plus de 1 200 participants, ont débattu autour de quatre grands thèmes liés à l’évolution de l’Internet:
1-La libre expression et la circulation de l’information, particulièrement dans les régimes autoritaires.
2-Le multilinguisme et le contenu local.
3-La sécurité et la protection des données personnelles.
4-La question de l’accès global à l’Internet.
Selon Markus Kummer, le coordinateur du groupe de travail de l’ONU sur la gouvernance de l’Internet, ” Le but du forum n’était pas d’arriver à un accord ou à une conclusion, mais de se parler. Il y a seulement quatre ans, tous ces gens ne se seraient même pas assis à la même table”.
Un but atteint si l’on en croit la majorité des participants : un net progrès a été constaté par rapport aux sommets précédents sur le sujet.
Cette ” institution de type unique”, selon Paul TWOMEY président de l’ICANN, a permis de faire ” …avancer nos idées”. L’idée générale étant l’ouverture d’un débat porteur où les diverses parties pouvaient s’entendre.
Toutefois, la question de la gestion des noms de domaine (assurée par l’ICANN) n’a pas trouvé de réponse satisfaisante. En effet cet organisme demeure, malgré un accord récent lui donnant un peu plus d’autonomie, sous contrat avec le ministère américain du commerce, alors que la majorités des pays représentés restent insatisfaits de l’influence ce pays.
A ce propos, Julien Pain, responsable de Reporters Sans Frontière, relate à l’AFP que les ONG ont pointé le fait que les pays les plus critiques au sujet de l’organisation actuelle de l’Internet étaient des régimes autoritaires, comme la Chine, Cuba et l’Iran. Ces pays étant ceux les moins respectueux des droits de l’Homme. Ces ONG préfèrent « …clairement voir les États-Unis derrière l’Icann que la Syrie ou l’Iran»…
Bien que ce forum n’ait pas de pouvoir décisionnaire, ses conclusions et résultats, ébauches de solutions futures, seront établis sous forme de recommandations, que chaque organisme sera libre d’appliquer.
Une évolution qui chemine donc doucement vers une homogénéisation du réseau des réseaux, les prochaines avancées notables seront pointées durant le Forum mondial sur la gouvernance de l’Internet qui aura lieu à Rio de Janeiro l’année prochaine.
Rachel Marie-Louise
Pour DomaiNews.fr / Domaine.info